Myriam
Témoignage de Fabrice – anosmique viral
Bonjour à tous,
Deux années passées à se poser des questions, une prise de recul importante, beaucoup d’optimisme et une réelle force, voici ce qui a mené Fabrice à nous livrer son témoignage d’anosmique viral.
Bonjour Fabrice, ton témoignage est précis et présente quelques aspects optimiste sur notre handicap, certains s’y reconnaitront, d’autres pourront s’en inspirer je l’espère, il permettra aussi aux normosmiques de mieux nous comprendre, tu as souhaité que cette interview soit anonyme.
Prêt ? 😉
Je m’appelle Fabrice G, j’ai 56 ans et je souffre d’anosmie depuis maintenant plus de 2 ans.
Les circonstances qui ont entourées la survenance de ce trouble ont été telles que je n’ai pas pensé à consulter dès l’apparition de ce trouble. Je sortais d’un important Burn-out qui m’a éloigné de mon activité professionnelle durant 6 mois dont une période d’un mois passé en clinique.
L’anosmie a surgit brutalement à la reprise de mes activités professionnelles alors que j’étais encore sous un traitement médicamenteux important et psychologiquement en reconstruction. J’ai donc mis cette perte de l’odorat sur le compte d’un ensemble de facteurs potentiellement favorables à une pathologie temporaire….et je me suis dit que tout rentrerait dans l’ordre au bout de quelques mois quand je serai redevenu « moi-même ».
Mais les mois ont passé et mon odorat n’est pas revenu…
Fin 2018, je suis tombé par hasard sur une publication de Jean-Michel Maillard. Cela parlait d’anosmie, je ne connaissais pas ce terme et encore moins sa signification, mais de nature assez curieuse j’ai lu cet article et j’ai découvert que non seulement je n’étais pas seul à vivre avec ce handicap mais qu’il était reconnu comme tel et que certains spécialistes travaillaient sérieusement sur le sujet.
Suite à nos différents échanges, Jean-Michel m’a persuadé de consulter. Après plusieurs mois de rendez-vous et d’examens, il s’avère que ce trouble, inguérissable en ce qui me concerne, est d’origine viral.
D’aussi loin que mes souvenirs remontent, j’ai toujours évolué dans des lieux où la cuisine était la pièce de vie de la maison. J’ai été entouré de (bonnes) cuisinières, de ma nourrice à mes grand-mères en passant évidemment par ma propre mère. J’ai encore en tête le goût de certains plats dont jamais je n’oublierai la saveur et l’odeur, un risotto inoubliable en Italie alors que je n’avais que 6 ans, les couscous de ma nounou, l’odeur des grattons d’oie cuisant des heures quand mes parents préparaient l’oie grasse, et tant d’autres…
Pas étonnant donc que je me sois pris d’une passion pour la cuisine, pas assez certes pour en faire mon métier (ce n’était pas une option dans ma famille…) mais assez pour devenir au fil des ans une des meilleurs table de mon cercle familial et amical.
Et puis l’anosmie est arrivée…
Les premiers mois, curieusement, je n’ai pas pris cela comme un réel handicap, sans doute persuadé que cela n’était que passager, mais assez rapidement cuisiner au quotidien est devenu un peu plus compliqué. L’odorat est une chose, mais sa perte entraine également une forte altération du goût. De ce fait, j’étais plus enclin à demander à ma fille ou ma femme de goûter mes préparation et elles seules dorénavant pouvaient me dire si cela sentait bon….où pas…
Curieusement, autant je n’ai pas éprouvé trop de difficultés à révéler, certes, petit à petit, mon handicap à mon épouse et à ma fille, autant je ne l’évoque pas ou très peu avec le reste de mes connaissances, familiales ou professionnelles. En y réfléchissant bien, et je m’en aperçois lorsque j’aborde le sujet avec une personne qui n’est pas au courant de mon trouble, j’ai presque honte de cette invalidité, j’en parle rapidement comme on peut parler d’un gros rhume qui ne porte en aucun cas préjudice à mon quotidien….ce qui est complètement faux, et le petit pincement au cœur qui se fait ressentir dans ces moments-là me fait prendre conscience que, sans être dans le dénis, il me manque maintenant quelque chose d’important dans ma vie.
Étant de nature fataliste (et non pessimiste) je m’adapte assez facilement à toute situation, personnelle ou professionnelle. Aussi, si je parais vivre « facilement » cette nouvelle épreuve, c’est tout simplement que j’accepte le fait de ne pas avoir le choix et de devoir « faire avec… ».
Je ne m’apitoie jamais sur mon sort et dans le cas présent, après avoir accepté le caractère définitif de cette anosmie, j’ai de suite commencé à modifier mon comportement et les moyens de continuer à me faire plaisir !
Ma « chance » est que le cerveau est un organe surprenant, très fréquemment, il me suffit de voir un fruit, un légume, voire même une préparation pour la sentir « pour de vrai » quelques centièmes de seconde, sachant que ce n’est qu’un souvenir olfactif et rien de plus.
Je continue donc de cuisiner, pour mon plaisir et celui des autres je l’espère…
Mais ce handicap peut aussi être source de danger ou de désagréments, je cuisine uniquement au gaz (par choix) et si un jour je ne m’aperçois pas d’un feu éteint et d’une arrivée de gaz ouverte, je ne sentirai rien….et je ne parle pas des odeurs de cuisson (poissons) que je ne capte pas et qui « Embaument » la maison…
Il est évident qu’il existe des handicaps bien plus invalidants et il serait bien malvenu de ma part de me plaindre du mien que j’estime malgré tout facilement « gérable », non pas que je le minimise, il m’ôte une partie importante des plaisirs de la vie et ce n’est pas négligeable, mais je pense qu’il ne serait pas bienvenu de m’en plaindre, je n’en parle d’ailleurs que très peu et la grande majorité des personnes que je côtoie n’en n’ont pas connaissance.
Autre conséquence de l’anosmie, du moins en ce qui me concerne, est une prise de poids très importante (15kgs en 2 ans). Je n’ai pas eu conscience de l’origine de ce changement morphologique avant d’en parler à mon médecin traitant. Il s’avère en fait que l’organisme ne retrouvant plus ses repères gustatifs, il réclame davantage de quantité à la recherche des anciens stimulus. Cela se fait tout à fait inconsciemment et estompe même la notion de satiété.
D’où l’importance de retrouver de nouvelles sensations gustatives afin de réguler ses périodes de pure gloutonnerie. Il faut accepter je pense, « d’adapter » son goût à cette nouvelle donne. Pour ma part, j’ai rajouté à l’assaisonnement de mes plats des mélanges d’épices douces, de sels et poivres parfumés (par exemple, pour des poissons au four, assaisonner avant cuisson avec quelques baies rouges et un sel de mer au gingembre et au yuzu), j’ai également opté pour mes cuissons pour des beurres parfumés bio (olives, framboises, algues). Ces modifications semblent minimes mais modifient, sans altérer le goût d’origine du produit, le résultat final en bouche.
Également amateur de vin, mes goûts ont été complètement chamboulés. Friant des vins de Bordeaux, je les trouve maintenant… fades… bien malheureusement et je trouve à présent plus de plaisir à déguster des vins du sud-ouest ou des côtes du Rhône, plus charpentés, plus « agressifs » en bouche.
Trouver du plaisir autrement, c’est un peu ce que cet accident de la vie peut nous apprendre. C’est une petite reconstruction. C’est aussi apprendre et accepter de faire le deuil d’un sens qui nous semblait acquis à tout jamais.
Ce n’est pas simple… mais c’est jouable.
Fabrice
Vous pouvez bien évidemment laisser un commentaire, c’est anonyme, c’est gratuit, ça fera plaisir à Fabrice et ça fera avancer l’anosmie 😉 😉 😉
Et la vie continue,
Jean-Michel
12 commentaires
j2m
Bonjour Myriam, merci pour votre message. Recevez notre soutien dans cette épreuve. Je peux vous proposer de participer à la prochaine réunion en ligne pour parler avec d’autres personnes touchées par ce handicap. Ces réunions sont gratuites, anonyme et ne nécessitent pas de compétences particulières en informatique. Je pense en organiser une sur la première quinzaine de septembre. Amicalement, Jean-Michel Maillard, président de l’association
Hélène
Bonsoir Fabrice et merci pour ce témoignage très touchant.Pour ma part, je ne suis pas encore anosmique, mais atteinte d’un méningiome au cerveau, je vais devoir me faire opérer en 2020 avec un risque très fort de perdre les sens du goût et de l’odorat.J essaie donc tant bien que mal de m’y préparer sachant que ce sera très difficile….j espere juste que je pourrai être aussi forte que vous tous qui avez témoigné…..Merci en tout cas pour vos notes d espoir…
Merci à tous ceux qui témoignent sur cet handicap je me sens moins seule car en parler à mon entourage me laisse perplexe il me dise que ça leur arrive quand ils sont enrhumés ou qu il faut regarder autour de sois il y a plus malheureux je sais tout ça mais je reste dans le néant complètement incompris
Marie-José Maher
Très touchant témoignage. Je suis anosmique depuis plus de trente ans, conséquence d’un traumatisme crânien. J’adorais depuis ma tendre jeunesse faire la cuisine. Je me suis adaptée difficilement aux changements qu’implique ce handicap. Fabrice me donne l’envie de partager ce que j’ai vécu, ce que je vis… Je pense bien vous adresser un témoignage sous peu. Un grand merci Jean-Michel pour ce partage. Un beau bonjour aux amis de la France!
Marie-José Maher, du Québec.
Carine
Je suis anosmique depuis 2015. Après 18 mois jai eu une petite récupération qui n a duré que quelques mois avant d à nouveau rattraper une rhinosinusite. Depuis anosmie totale.C est un véritable chamboulement avec un impact violent sur la qualité de vie et les relations sociales. J ai pris 20 kg depuis car je mange plus crémeux, plus sucré et plus en quantité. En parler autour de soi est souvent perçu comme une personne à problème neurologique sans passer par l ET et la question qui tue..tu ne sens même pas la merde…De plus, c est dangereux, incapable de sentir le danger d un feu, de fuite de gaz, d odeur de pannes de machines, de mets avaries…L odeur qui me manque le plus c est la nature, la cuisine, les personnes, soi même (il faut être ultrapropre) et cuisiner sans savoir goûter quand on essaye une nouvelle recette…Perdre l odorat c est perdre deux sens y compris le goût et ça beaucoup de gens ne le comprennent pas…
Doumenc
Merci à vous pour ces mots , en effet c’est tellement important de se « sentir » moins seule avec ce handicap si difficile à vivre parfois mais qu’il faut intégrer, sublimer et dépasser pour pouvoir vivre autrement .
Dans l’attente des articles annoncés
Anosmiquement vôtre
Christine anosmique suite à trauma crânien
j2m
Bonsoir à tous
Merci pour vos messages, vos appels, ils sont un véritable carburant qui me permet de travailler pour l’anosmie lorsque mon agenda me le permet. Le témoignage de Fabrice est intense, très intéressant et surtout optimiste. Sachez que je prépare 2 articles importants pour l’anosmie, ils paraitront dans les semaines qui viennent.
Je vous embrasse et vous transmets mon énergie !
Amicalement,
Jean-Michel
Christophe
Bonsoir, Merci Fabrice pour ce texte plein d’émotions et d’optimisme dont je vais devoir m’inspirer car ce handicap a transformé ma vie. Merci aussi à l’association de nous permettre de nous exprimer.
Christophe, anosmique viral dépressif depuis 6 années
Sandrine
Magnifique témoignage .. Je vous souhaite le meilleur.
Pierre L.
Merci à Fabrice pour ce témoignage très posé sur l’anosmie et merci à Jean-Michel de nous réunir, « on se sent mieux » grâce à son initiative (je précise que ce n’est pas un jeu de mot, c’est l’expression qui m’est venue naturellement)…
Laetitia
Bonjour, merci Fabrice pour ce témoignage, et merci Jean-Michel pour tout ce travail autour de l’anosmie.
Laëtitia, anosmique congénitale
Bonjour, je suis atteinte d anosmie depuis plus de 2 ans, dû à un meningiome qui comprime le nerf olfactif. J étais gourmande, aimais cuisiner…tout ça c’est fini, ni odorat ni goût, beaucoup de plaisirs perdus. Difficile à comprendre pour l entourage, ce n’est pas grave. …Je n arrive toujours pas à surmonter ce handicap .