Perdre l’odorat – devenir anosmique
Se reconstruire sans odorat
Les personnes qui deviennent anosmiques perdent leurs repères et doivent s’habituer à une transformation de leurs perceptions, sans odeur ni accès à leurs souvenirs olfactifs. Elles doivent apprendre à reconstruire leur vie et à se reconstruire. Voilà quelques-unes des situations ou préoccupations les plus régulièrement soulevées ou discutées par les personnes accompagnées par notre association.
La perte et le deuil de sa vie d’avant
Lorsque l’on devient anosmique, il y a un avant… un après… et, entre les deux, une perte. Cette perte, la plupart du temps liée à une maladie, à un traumatisme (physique ou psychique) ou à une infection (cf. les anosmies acquises et leurs causes), contraint alors la personne touchée à s’adapter à sa nouvelle réalité, en réapprenant à vivre sans une partie de ses perceptions. Elle découvre, mois après mois, à quoi lui servait concrètement son odorat.
En effet, ces informations ne sont en général pas connues du grand public en raison d’une absence flagrante de culture de l’olfaction dans nos sociétés.
Passé ce premier cap, par lequel la personne découvre qu’elle va devoir vivre sans sa boussole olfactive, vient alors une autre phase plus ou moins longue et intense chez les personnes qui deviennent anosmiques : celle du deuil de leur vie d’avant.
Comme pour la perte d’un être cher, la perte de son odorat peut être apparentée à un deuil. Le processus psychique observé chez de nombreuses personnes qui deviennent anosmiques peut lui aussi être comparable : durant cette phase, la personne ressentira souvent une grande tristesse; elle va passer du choc, au déni, puis à la colère, voire vivre une phase de dépression. (On observe une phase de dépression chez les personnes ayant perdu l’odorat dans environ 80% des cas).
Il est nécessaire qu’au cours de cette phase, la personne s’accompagne de personnes de confiance et ne s’isole pas (notre association est aussi là pour ça ! – cf. lien « page accompagnement individuel ou réunion de soutien) afin de pouvoir poursuivre son cheminement et avancer vers l’acceptation de sa nouvelle réalité, pour, à terme, reconstruire sa nouvelle vie « sans odorat ».
Perdre le plaisir de manger et de partager
Lorsque l’on déguste un plat, tous nos sens interagissent, notamment le goût et l’odorat. Dans le langage courant, on parle de « goût » pour désigner en réalité un ensemble de perceptions qui se marient. Être privé.e d’odorat limite donc l’accès de la personne anosmique à une grande partie des plaisirs de bouche provoquant chez certaines personnes un désintérêt pour la nourriture, voire des troubles alimentaires.
Outre la frustration ressentie par les anosmiques au cours de leurs trois repas quotidiens, qui ont trop souvent la sensation de manger « du carton », elles peuvent aussi avoir tendance à ne plus vouloir répondre aux invitations et propositions de sociabilisation, souvent associées à la dégustation d’un bon repas ou d’un verre de vin, de peur de voir cette frustration exacerbée ou de se confronter toujours un peu plus à ce sens en moins. Il est également important d’ajouter que l’anosmie peut entraîner des troubles alimentaires comme des problèmes de sous-alimentation, d’obésité ou d’alimentation trop salée impliquant des risques d’hypertension artérielle ou de cardiopathies.
Perdre confiance en soi et craindre le regard (ou le nez !) des autres
Le fait de ne plus sentir sa propre odeur peut être source d’inquiétude et générer chez certaines personnes une perte de confiance en soi et l’isolement. Certaines personnes anosmiques vont avoir très peur de leur propre odeur ou peur de dégager des mauvaises odeurs et préféreront parfois s’extraire du monde social pour éviter que les autres ne puissent s’en apercevoir.
Perdre la perception d’une partie des dangers
La sécurité est un sujet de préoccupation au quotidien pour les anosmiques. Le fait de ne plus pouvoir sentir une fuite de gaz ou l’odeur d’un feu, peut développer chez les personnes privées d’odorat un sentiment d’insécurité persistant.
Elles peuvent d’ailleurs être elles-mêmes responsables de ces dangers : en brûlant le plat qu’elles ont mis à cuire ou en oubliant d’éteindre une bougie, n’ayant pas d’information olfactive pour les informer.
De la même manière, elles ne sont pas alertées par l’odeur d’un mélange hasardeux de produits ménagers. Les gaz toxiques ainsi dégagés peuvent provoquer des nausées et des malaises si les personnes présentes n’aèrent pas la pièce.
Les anosmiques sont par ailleurs plus fortement exposés aux risques d’intoxications alimentaires. De nombreux aliments commencent à sentir mauvais avant qu’on puisse constater visuellement le danger. Aussi, pour se mettre à l’abri du danger, certains anosmiques s’empêchent de manger des aliments dits « sensibles », lorsqu’ils ne peuvent pas vérifier leur fraîcheur avec une personne normosmique.
Une vie intime transformée
N’ayant plus la capacité de sentir leur odeur corporelle, il peut être délicat pour les personnes ayant perdu l’odorat d’être intimes physiquement avec quelqu’un.
Une étude de 2010 révèle que les hommes anosmiques ont moins d’aventures sexuelles que les hommes normosmiques. Cela serait dû à un manque de confiance, lui-même lié à l’impossibilité de se sentir. Les femmes anosmiques se sentiraient, elles, moins en sécurité dans leurs relations sentimentales que les femmes normosmiques.
Des témoignages recueillis par notre association révèlent par ailleurs que la plupart des personnes devenues anosmiques vivent d’importants changements dans leur vie intime et sexuelle : expérience bien moins intéressante et satisfaisante en raison de l’incapacité de sentir l’odeur de l’autre, nette baisse de la libido, temps de préparation plus important…
Être un parent anosmique
L’impossibilité de sentir l’odeur de leur enfant est certainement la plus grande tristesse des personnes anosmiques que nous rencontrons. Par ailleurs dans leur vie quotidienne, cet handicap pose souvent des problèmes : des plats qui peuvent brûler, la difficulté à déterminer la propreté des vêtements de leur enfant, l’impossibilité de détecter la nécessité de changer une couche, l’angoisse de ne pas pouvoir identifier un départ de feu dans leur maison et ainsi protéger leurs proches… Ce ne sont peut-être que des petits détails, mais répétés tous les jours, cela implique qu’exercer sa parentalité sans odorat n’est pas anodin.
Un horizon professionnel resserré
Lorsqu’une personne devient anosmique, elle se rend rapidement compte que bon nombre de professions lui sont désormais inaccessibles. Pour des raisons assez évidentes, les professions étroitement liées à l’olfaction ne sont plus pour elles. Nous pensons notamment aux métiers de bouche ou ceux liés aux parfums. C’est également le cas des métiers où la sécurité des personnes peut être engagée (par exemple pompier, policier, gendarme, agent de sécurité, etc.), mais aussi hôtesse de l’air, pilote de ligne…
Vous n’êtes pas seul·es !
Toutes ces réflexions sur les conséquences que peut avoir la perte de l’odorat pour une personne sont issues de témoignages, de recherches et de nos propres expériences. En les mettant en lumière, elles permettent de faire prendre conscience que l’anosmie est un véritable handicap, et qu’elle doit être traitée comme telle, par l’opinion publique mais aussi les institutions.
Notre association est présente au quotidien pour soutenir les personnes anosmiques afin qu’elles soient entendues et reconnues dans leurs difficultés. Cependant, il est important tout de même de délivrer un message d’espoir aux personnes anosmiques : cet handicap n’empêche pas de vivre et ni même de vivre heureux…
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